Des échantillons sanguins et biologiques, généreusement fournis par des bénévoles anonymes, nous ont permis de réfléchir à des moyens de mieux traiter et peut-être guérir le VIH. Les résultats de ces études ont été publiés dans le Journal of Clinical Investigation Insight, en août 2017.
Les lymphocytes T CD4 sont les principales cibles du VIH-1 et sont rapidement perdus après l'infection par le VIH, en particulier dans l'intestin. Mais tous les types de lymphocytes T CD4 ne sont pas infectés avec la même efficacité. Dans une précédente étude, nous avons montré qu'un type de lymphocyte T CD4 présentant une molécule appelée CCR6 est la cible privilégiée du VIH. La molécule CCR6 aide les cellules infectées par le VIH à migrer du sang vers l'intestin, où le virus peut rester (un « réservoir ») malgré la thérapie antirétrovirale (ART). L'ART contrôle efficacement la multiplication du VIH, mais il n'élimine pas les cellules infectées du corps. Il ne restaure pas non plus le nombre et la fonction des lymphocytes T CD4 aux niveaux présents avant l'infection. De plus, l'ART est incapable de contrôler l'inflammation en cours et les dommages qu'elle cause à l'intestin. Ces effets contribuent à des maladies telles que le cancer, le diabète et d'autres « comorbidités » affectant les personnes vivant avec le VIH. L'ART doit être pris tous les jours à vie pour maintenir un degré robuste de contrôle viral. Si l'utilisation de l'ART s'arrête, le virus se multiplie. Ces inconvénients nécessitent des recherches pour trouver de nouvelles façons de traiter le VIH, en particulier le VIH qui reste dans les réservoirs tissulaires.
1) Quel était le but de notre étude ?
Les cellules T CD4 non infectées qui affichent CCR6 sont importantes pour la santé intestinale. Sur la base de notre étude précédente montrant comment ces cellules aident le VIH à migrer du sang vers l'intestin, causent des dommages et résident dans un réservoir malgré l'ART, nous voulions voir si nous pouvions maintenant identifier des moyens d'empêcher ces conséquences délétères de se produire.
Le VIH fait des copies de lui-même dans un processus impliquant plusieurs étapes. N'importe laquelle (ou plusieurs) de ces étapes peut être interrompue pour bloquer la multiplication du VIH. Actuellement, l'ART ne fonctionne que pour arrêter la multiplication virale à certaines de ces étapes. Le but de cette étude était d'identifier de nouvelles thérapies ciblées qui permettraient à la fois de limiter la multiplication du VIH (comme le fait actuellement l'ART, mais pas complètement) et de limiter l'inflammation attribuée à ces lymphocytes T CD4 spéciaux qui migrent vers l'intestin (ce que l'ART ne peut pas faire) .
2) Comment cette étude est-elle liée à un remède contre le VIH ? ou au traitement des comorbidités du VIH ?
Dans cette étude, nous montrons que les lymphocytes T CD4 qui affichent CCR6 et rentrent dans l'intestin portent des niveaux élevés d'une enzyme appelée "mTOR". En inhibant l'activité de mTOR, nous avons observé une diminution de la capacité du VIH à se multiplier dans ces cellules. Nous avons également observé une diminution de la capacité du VIH à s'échapper des réservoirs viraux chez les participants sous TAR. Ainsi, les médicaments qui bloquent mTOR peuvent être une étape importante vers la réduction des comorbidités liées à l'inflammation. Nos découvertes pourraient également conduire à une nouvelle stratégie de guérison du VIH en gardant le virus silencieux. Cela peut être une alternative à d'autres stratégies de guérison testées mais infructueuses qui ont tenté de "choquer" le VIH hors des réservoirs et de le tuer. Plusieurs inhibiteurs de mTOR sont déjà utilisés pour le traitement du cancer et du diabète.
3) Pourquoi les échantillons de participants sont-ils importants pour cette recherche ?
Des échantillons de sang appariés et des biopsies du côlon de participants vivant avec le VIH étaient essentiels pour nous afin de comparer les lymphocytes T CD4 du côlon et du sang et de comprendre pourquoi les lymphocytes T du côlon qui affichent CCR6 sont facilement infectés par le VIH. En utilisant ces échantillons, nous avons confirmé le rôle de l'enzyme mTOR, ainsi que d'autres molécules, et avons eu l'idée de tester les médicaments inhibiteurs de mTOR existants utilisés dans la recherche sur le cancer et le diabète pour voir s'ils peuvent aider les personnes vivant avec le VIH à obtenir une rémission et /ou guérir.
4) Qu'est-ce qui a été appris ? Et ensuite ?
Cette étude explique pourquoi le VIH est capable de se multiplier et de causer des dommages dans l'intestin. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre le rôle de mTOR dans la sélection par le VIH des lymphocytes T CD4 affichant la molécule CCR6. Ensuite, des essais cliniques utilisant des inhibiteurs de mTOR détermineront si cette stratégie peut être utilisée pour guérir le VIH ou pour prévenir les comorbidités liées au VIH.